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« La nuit : un voyage quotidien » Plonger dans ce vaste sujet qu’est la nuit, c’est d’abord se connecter à un moment que chaque être humain vit quotidiennement : ce rythme naturel d’alternance entre veille et sommeil. Cette thématique universelle est d’apparence simple : se coucher est un acte habituel presque rituel, dormir est un besoin physiologique. Néanmoins, entrer dans la nuit, c’est pénétrer dans l’intime, au sein d’un monde empreint de mystère. Nous avons à cœur de partager avec le public cette expérience, ce voyage quotidien se parant de multiples facettes. « La nuit : un espace intime » À travers ses particularités, la nuit est propice à une intimité profonde. Elle impose parfois une réflexion, voire une introspection. Elle nous guide vers un voyage interne. Ce cheminement philosophique nous conduit à des questionnements universels sur notre identité, notre rôle et notre existence dans ce monde. À cet instant précis où nos pensées vagabondent, notre corps s’abandonne, laissant la place à un esprit tout puissant. Envahis par un flot émotionnel, certaines de nos vérités cachées se révèlent, nous connectant davantage à notre humanité. « La nuit : sensations et perceptions » Quand la nuit tombe, elle emporte avec elle une certaine rationalité. Aidée par la baisse de notre acuité visuelle et l’augmentation de notre sensibilité auditive et tactile, elle modifie notre lien au monde et à nous-mêmes. Troublant notre rapport au temps, modifiant nos perceptions sensorielles, elle exacerbe notre imaginaire. Elle nous offre des espaces de liberté et nous invite dans un univers débordant de possibilités, où les frontières s’estompent, laissant place à une folie nocturne. Une folie où réel et imaginaire se confondent pour mieux libérer le génie créatif qui, sans s’annoncer, vient transformer la moindre ombre en créature fantastique. Le silence de la nuit, aussi puissant que fragile, nous ouvre un territoire à conquérir, un espace d’écoute possédant sa propre musicalité. Dans ce domaine infini, on peut se perdre et être envahi par l’angoisse. Le sommeil nous fuit et nous entraîne alors dans les affres de l’insomnie. En traversant la nuit, notre corps expérimente toutes sortes de sensations. Il est tiraillé par des informations contrastées, voire contradictoires. À la lisière du confort et de l’inconfort, de la tension et du relâchement, la nuit offre une incroyable ressource d’états de corps que nous avons fait matière chorégraphique. Par le corps, l’invisible du monde onirique s’incarne et devient observable.

« Susciter la rencontre entre le cirque et la danse est pour moi un moteur de recherche. Je souhaite amener le breakdance dans une atmosphère poétique et l’engager dans une démarche nuancée. En faisant dialoguer le breakdance avec la manipulation d’objet, j’explore les points de convergence de cette alliance impromptue. À travers son identité ancrée dans le sol, le breakdance nous apporte son exploration de l’horizontalité, tandis que le jonglage et la manipulation d’objet nous permettent de nous saisir de l’espace vertical et aérien. C’est dans ces points de rencontre que nous trouvons des contrastes qui favorisent notre liberté de création et de dépassement des limites propres à chaque discipline, pour ne former qu’une seule matière. Dans cette recherche chorégraphique, j’ai choisi d’explorer l’interaction entre le corps et un objet symbolique de la nuit : le coussin. Le corps s’adapte à l’objet et est influencé par sa matière, sa texture, ses dimensions. Cette démarche fait naître une gestuelle et un langage corporel vaste. » — Alfredo Morales

L’univers de la nuit est un moment privilégié pour imaginer et créer. Dans cet espace silencieux, on peut écouter, s’écouter. Notre volonté est que la musique permette de créer une sensation, une ambiance immersive nocturne. L’intention est d’être plongé dans un état situé à la lisière de deux mondes, en équilibre instable entre des forces opposées. De natures diverses, elles nous tirent d’un côté ou de l’autre de cette frontière au fur et à mesure que l’on s’enfonce dans la nuit. Leur exploration à travers le langage théâtral et musical offre une richesse inouïe. Musicalement, nous trouvons intéressant de créer une rythmique et une mélodie s’apparentant à une bulle d’intimité nocturne. Dans celle-ci, nous voyageons dans des émotions intenses. Nous nous y perdons parfois, nous nous en affranchissons aussi, en nous coupant de nos sensations par l’abandon de notre corps endormi. Nous traversons la nuit avec sa douceur rassurante, sa folie fantasmatique, ses peurs et ses espoirs. Des thèmes mélancoliques, des distorsions sonores dérangeantes, le silence, de simples ritournelles teintées d’espoir d’un nouveau lendemain : la composition musicale révèle toutes les ambiguïtés de la nuit. Elles brouillent les frontières entre réalisme et abstraction, éveil et sommeil, lumière et obscurité, son et silence. L’écriture théâtrale et la composition musicale s’inscrivent dans un processus de création pluridisciplinaire où chaque langage doit avoir son espace d’expression. C’est pourquoi la recherche des matières musicales et théâtrales se fait conjointement à la création chorégraphique.

Nous avons fait le choix d’une scénographie épurée, composée essentiellement de coussins renforçant notre vision symbolique de la nuit. La multiplicité des coussins sur scène apporte une atmosphère surréaliste, dissipant la frontière entre réel et imaginaire. La scénographie est vouée à évoluer tout au long du spectacle par la manipulation d’objets. Ces derniers dessinent, transforment et redéfinissent notre rapport à l’espace.